Et si nous libérions enfin tout le potentiel des accélérateurs d’innovation corporate en Afrique ?
mardi, mai 20 2025, 17:11 Lien permanent
L’Afrique n’est plus simplement un territoire d’opportunités futures : elle est aujourd’hui un laboratoire vivant de solutions concrètes, façonnées au plus près des réalités sociales, économiques et culturelles. Dans cet écosystème en mouvement, l’innovation ne se limite pas à des prototypes high-tech. Elle se vit au quotidien, dans la rue, les marchés, les villages, les start-ups, les centres d’apprentissage, les communautés. Elle est résilience, créativité, urgence, et parfois, survie.
Mais face à cette dynamique, un constat s’impose : les accélérateurs d’innovation corporate – ces dispositifs lancés par les grands groupes pour connecter leur transformation à l’agilité des start-ups – n’ont pas encore été pleinement exploités sur le continent africain. Trop souvent, leur déploiement reste symbolique, limité à quelques expérimentations périphériques, sans réelle ambition d’impact structurant.
Et pourtant, leur potentiel est immense.
Un accélérateur corporate bien conçu, bien ancré et bien piloté peut devenir un moteur puissant de croissance partagée. Il peut faire émerger des solutions locales à fort impact, faciliter leur intégration dans les chaînes de valeur du groupe, et nourrir une culture d’innovation ouverte, ascendante, profondément enracinée dans le territoire.
Comme le rappelait Clayton Christensen, père de la théorie de l’innovation disruptive :
« L’innovation ne vient pas toujours de ceux qui ont les plus grands laboratoires, mais souvent de ceux qui comprennent le mieux leurs clients. »
Mais pour cela, il nous faut changer de posture.
Il ne suffit pas d’installer un programme dans une capitale africaine et de lancer quelques appels à projets. Il faut écouter les écosystèmes locaux, co-construire avec les talents du terrain, faire de l’expérimentation une norme et non une exception, et surtout, donner aux filiales locales un véritable pouvoir d’initiative dans la conception et l’adoption des innovations.
Le rôle du siège n’est pas de dicter, mais de catalyser. Le rôle de l’accélérateur n’est pas de filtrer, mais d’amplifier.
Car derrière chaque difficulté locale, il y a une idée d’entreprise. Et derrière chaque idée, un potentiel de transformation – pour la société comme pour le groupe. C’est ce que nous appelons la croissance partagée : une croissance qui ne se décrète pas depuis les centres de décision, mais qui se co-construit à la croisée des intelligences.
Dans un monde en mutation rapide, le professeur Klaus Schwab, fondateur du Forum Économique Mondial, nous met en garde :
« Dans la nouvelle économie, ce ne sont pas les gros qui mangent les petits, mais les rapides qui dépassent les lents. »
Il est temps d’inscrire nos accélérateurs d’innovation dans une nouvelle logique : celle de l’utilité territoriale, de l’écoute active et de l’intégration stratégique. Il est temps d’oser faire confiance aux écosystèmes africains, non pas seulement comme fournisseurs d’idées, mais comme co-auteurs de nos futurs.
En libérant tout le potentiel de nos accélérateurs corporate, nous ne ferons pas que moderniser nos processus. Nous changerons notre façon d’innover, de collaborer, et surtout, de grandir.
C’est dans cette convergence des intelligences et des engagements que réside notre véritable avantage stratégique. Comme le dit si justement Jacqueline Novogratz, fondatrice d’Acumen :
« Les grandes idées ne valent que si elles rencontrent les bonnes communautés. »
Et cela, c’est une révolution silencieuse qui commence là où l’on décide enfin d’ouvrir la porte à l’innovation ouverte, à l’agilité du terrain, et à une nouvelle forme de partenariat gagnant-gagnant.
Florent Youzan