Internet & Démocratie : Les sociétés éclairées accordent des moyens de jugement aux citoyens

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La ville de Ferkessédougou a accueilli la 3ème et dernière étape de la phase pilote du projet Citizen Café financé par OSIWA (Open Society initiative for West Africa). Cette étape qui s'est déroulée le samedi 24 janvier 2015 de 08H30 à 17H00 au centre polyvalent Soro Kibafory Guillaume, a réuni plus d'une trentaine d'acteurs de la société civile.

Le projet Citizen Café est un événement qui rassemble les citoyens autour des questions liées à la démocratie en Côte d'Ivoire. Ces rencontres sont étoffées d'ateliers de formation et de sensibilisation, et des discussions ouvertes et participatives autour des notions suivantes : civisme et citoyenneté, droit, démocratie, élections, Paix, internet et réseaux sociaux. Cette initiative de l'Association des blogeurs de Côte d'Ivoire (ABCI), a pour objectif d'amener les ivoiriens à s'impliquer à la vie publique et à l’expérience démocratique de leur pays.

J'ai donc eu la chance de participer à la rencontre de Ferkessédougou, après avoir effectué 09 heures de route et englouti environ 650km. J'étais particulièrement animé d'un profond plaisir de m'entretenir avec des citoyens forts d'un regard particulier et aguerrir par une expérience démocratique particulière. En fait, l'ABCI m'avait confié la lourde tâche d'animer un temps d’échanges avec les acteurs de la société civile de Ferkessédougou sur le thème « Internet et démocratie ». Je ne pouvais donc par me soustraire à cet appel intellectuel et ce devoir citoyen.

Que retenir donc de mon intervention de Ferkessédougou ?

Ma communication a donc commencé par un décor fortement inspiré du film projeté juste avant mon intervention et qui selon moi pourrait se résumer par cette belle vision que j'emprunte à Albert Jacquard : « il est nécessaire que la morale d'un peuple soit décidée par le peuple lui-même ; d'où le besoin d'une nouvelle forme de démocratie : la démocratie de l’éthique » .

La démocratie est la souveraineté du peuple. Ce mot, combinaison de Dêmos (peuple) et Kràtos (pouvoir ou souveraineté) est comme le définit Abrahan Lincoln : « Le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Cette démocratie ne pourrait mieux s'exprimer qu'avec une notion claire et soutenue de la citoyenneté qui selon Wikipédia est le fait pour un individu d'être reconnu officiellement comme citoyen, c'est à dire membre d'une ville ayant le statut de cité ou plus généralement l’État. Aucun dirigeant africain n'a la science infuse et ne pourra réussir le développement tout seul. Mais, il a naturellement besoin de chaque citoyen qui même convaincu qu'il ne changera pas le monde, doit faire sa part en tant qu'acteur au développement. Et ce développement passe nécessaire par une démocratie participative dont le socle est l'intelligence de chacun et la force de tous. Car, Si nous ne travaillons pas à fédérer nos savoirs et agréger nos expériences démocratiques, nous allons tous disparaître.

Nous devons favoriser des reformes profondes et même tisser une réglementation pour créer un environnement favorable au développement de la démocratie. Si le développement est le règlement des problèmes de manière durable, nous devons offrir à chaque citoyen les outils qu'il faut pour l'inciter à participer à la vie de sa société. Et l'un de ses outils est Internet !

L'internet se définit comme un réseau des réseaux qui par l’intermédiaire d'un langage universel fait communiquer tous les objets utilisant le numérique. Il se révèle comme un instrument d'amélioration des fonctionnements démocratiques et un vecteur d'invention de nouvelles formes de participation et de mobilisation politiques. Les interactions rendues possibles entre les politiques et les citoyens via internet permettent d'impliquer les citoyens dans le développement de nos territoires et éviter que d'autres personnes viennent d'ailleurs pour résoudre nos problèmes. Nous devons alimenter un nouveau courant de pensée et donner la parole aux populations sinon nos territoires vont disparaître tant culturellement que socialement. Car, lorsque d'autres personnes résolvent les problèmes des africains, ce ne sont pas les africains qui se développent mais plutôt ces personnes là. Toutes les sociétés éclairées accordent des moyens de jugement aux citoyens. Ils ne se contentent pas de diffuser des informations aux populations mais leur donnent des outils d'interaction et d’appréciation et internet se révèle aujourd'hui comme l'outil par excellence.

L'utilisation d'internet par plusieurs associations et mouvements citoyens leur a permis de découvrir d'autres initiatives qu'ils ont réussi à fédérer. Internet leur a permis d'exister et de se faire entendre à un coût dérisoire et surtout avec une rapidité et une efficacité exceptionnelles. Redynamisons nos démocraties africaines en favorisant la participation de tous les citoyens à des échanges avec les élus et autres partis politiques car nous n'arriverons jamais à construire quelque chose de solide et durable si nous nous contentons de diffuser des informations vers nos populations.


A quand l'interaction ? A quand la co-construction ? A quand l'intelligence collective dans nos projets de société ?

Plusieurs interrogations qui restent sans réponses car nos politiques veulent construire nos territoires comme des territoires d'ailleurs et pour ça, ils ne concertent pas leurs populations. Mais demander à l'Afrique de ressembler à un autre continent est insensé car les cultures et les besoins ne sont pas les mêmes. Le développement d’un pays c’est d’abord le développement des individus. Et la révélation des besoins d'un territoire est du ressort de la population qui détient un pourvoir exceptionnel. En tant qu'acteur de terrain, le citoyen a un pouvoir que les politiciens n'ont pas : celui de la remontée des informations tangibles et des besoins mesurés.

Il paraît donc urgent de donner au citoyen la possibilité de dire ce qu'il veut dire afin qu'il se sente concerné par le développement de sa cité. Internet est le nouvel espace du débat public et citoyen. Il favorise la réflexion collective en permettant l'émergence libre d'idées de développement adaptées et adoptées. C'est d'ailleurs le reflet de l'intelligence collective au service de la prise des décisions par les élus. L'internet est une chance pour les pays à démocratie naissante ou fragile, car il leur permettra de faire un bond considérable pour atteindre plus vite des objectifs de développement (santé, éducation, …) et favoriser des formes de gouvernement plus démocratiques.

La rencontre avec les populations et acteurs au développement de la ville de Ferkessédougou dans le cadre du projet Citizen Café était pour moi un symbole. Le symbole d'un rêve d'une société plus ouverte, meublée de meilleures énergies qui réinstallent le citoyen au cœur de la démocratie.

D'aucun dirait que je rêve ! Bien-sûr que oui je rêve de cette Côte d'Ivoire là, car ce rêve est plus qu'un défi.

Florent YOUZAN

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Auteur·rice : fyouzan

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