
L'échec est notre
compagnon de tous les jours. Il matérialise notre existence,
symbolise notre humanité, reformule nos ambitions et conditionne
notre lendemain. C'est la résultante d'une action n'ayant pas abouti
au résultat escompté.
Toute la société le rejette, le craint comme une peste, le
déteste, et va jusqu'à l'exclure de ses projets, alors qu'il est
une partie de nous, une définition de notre vécu existentiel et une
claire expression de la vie qui nous gouverne.
L'échec est tellement
rejeté qu'il n'est pratiquement pas enseigné à nos enfants qui, le
découvrent malheureusement à leurs dépens, au coin de la rue,
pendant le parcours de leur vie. Cet échec là, méconnu mais
inévitable se parque à jamais dans leur mémoire et alimente
désormais de manière insidieuse une vie en couleur désespoir. A la
rencontre de l'échec tout le château de cartes s'écroule laissant
derrière lui un goût d'amertume ? Qui sommes-nous sans échec ?
Quel est le visage réel de l'échec ?
J'ai décidé de vous raconter une histoire sur un fond sonore
d'échec mais, comme une mélodie créative qui fait fleurir les
talents !
C'est l'histoire de
Marie-Pascale, une histoire plate comme on en rencontre des dizaines
chaque petit matin dans les rues des capitales africaines. Mais
l'histoire que je vais vivre avec vous à travers ces lignes, se
raconte avec du relief. Une histoire qui nous permet de changer de
regard sur l'échec. C'est aussi l'histoire de bien de jeunes
africains qui, violentés par l'échec méconnu et incompris, et
intimidés par la perception des autres, sombrent pour certains dans
l'absence meurtrie ou rebondissent fièrement pour d'autres comme
cela fut le cas de Marie-Pascale.
Nous l'avons connue
jeune, timide et devancée par son calme. Elle pousse un samedi matin
les portes d'un lieu pas comme les autres que lui avait conseillé
une amie. A la recherche d'un stage, elle tutoie pour la première
fois comme de nombreux jeunes qui viennent à cet espace transversal,
une séance de brainstorming. Détendue par la séance de discussion
et d'inspiration, Marie-Pascale découvre des moments inoubliables
d'échanges. Son sourire en disait long, mais c'est lorsqu'elle sera
invitée à se présenter que l'histoire commence : « Je
suis Marie-Pascale Bayé, je suis étudiante en gestion commerciale.
Je suis venue ici sur recommandation d'une amie, car je cherche
mon chemin », a t-elle soutenu.

Derrière ce silence et
ce calme, une jeune fille menait une lutte acharnée contre des
préjugés et des ondes négatives de son environnement. En fait,
Marie-pascale a eu un parcours scolaire un peu compliqué, au cours
duquel elle a connu des échecs. À la recherche de son chemin, elle
intègre une école de gestion commerciale après le lycée. Sa
formation en gestion commerciale ne sera pas aussi linéaire. Ses
échecs ont donné du relief à son parcours et voilà que ce relief
va permettre à cette jeune fille de rebondir et rebondir encore vers
d'autres horizons. Elle commence alors un stage dans cet espace
transversal qui n'est autre qu'Ovillage, un espace d'intelligence
collective et d'innovation sociale. Elle commence à rencontrer des
jeunes, des adultes, des entrepreneurs, des innovateurs, et surtout
d'autres personnes aux parcours atypiques qui lui montrent l'autre
champ des possibles. Là où fleurissent les arbres séchés à
l'oeil nu pourtant tous verts d'intérieur. Elle s'intéresse à tout ce
qu'elle touche dans l'espace : le blogging, l'emarketing, le
community management et même les logiciels libres sur lesquels elle
travaille désormais.
Marie-pascale se
découvre à la faveur des Talk des passionnés de cet espace qu'elle
écoute religieusement et qu'elle tutoie au quotidien et avec qui elle
échange sur tous les sujets. Petit à
petit, la jeune fille se découvre à elle-même ! Elle prend de
l'assurance et redéfinit son avenir. Elle est promue en quelques
mois de stage au poste d'assistante puis de chef de projet sur les
logiciels libres à Ovillage avant de devenir l'Office manager !
Elle a désormais pris son envol. Chez nous en Afrique, on dit que
les arbres de la forêt grandissent dans le silence ! Sans fanfare ni
trompette, la jeune fille fait son chemin. Elle s'offre la chance de
travailler sur des projets transversaux. Pour certains, elle n'a
connu que l'échec, pour d'autres elle n'était pas faite pour une
vie de réussite mais, une sagesse peut être enfantée par l'échec.
Loin de l'ivresse de la réussite, Marie-Pascale comprend que
l'absence dans son éducation de la connaissance des vertus de
l'échec a failli lui coûter un temps de vie !
Marie-pascale comme bien
de jeunes africains, ne connaissait pas la définition de l'échec.
Elle l'a connu à ses dépens avec un froid déconcertant et c'est ce
manque de définition de l'échec qui installe la jeunesse dans le
culte de la culpabilité face à l'échec.

En portant un autre regard sur ses échecs, l'Office Manager
d'Ovillage s'est vue grandir par l'échec. Elle a commencé à vivre
son rêve et non le rêve de ses parents, de ses amis, de ses frères
et sœurs encore moins d'autrui. N'accusez jamais votre enfant
d'avoir échoué quand vous lui imposez de réaliser votre rêve à
vous. C'est vous qui aurez échoué !
Marie-Pascale s'est
offerte un temps d'arrêt matérialisé dans un tiers-lieu libre et
Open Source ; un temps d'examen et de retour sur soi. Elle a tout
simplement décidé de s'offrir la chance d'arrêter d'avancer : ce
qui te manque, cherche-le dans ce que tu as !
Un an après sa
rencontre avec Ovillage, elle est invitée à la 4ème édition
d'Algeria 2.0 à Alger en qualité de speaker. Sa communication était
intitulée « la route non prise ... », un récit émouvant de sa
vie et sa rencontre avec Ovillage, un espace d'intelligence
collective et d'innovation sociale. Elle se définit comme un pur
produit d'un tiers-lieu éducatif. Marie-Pascale a compris que
l'éducation doit subir une profonde mutation pour donner une
possibilité à des jeunes comme elle qui auraient pu éclore si le
dispositif éducatif actuel faisant plus attention à ces personnes
au parcours atypique.
La jeune fille continue
de chercher son chemin, la tête froide et le discours cohérent sur
la thématique de l'éducation qui est désormais son cheval de
bataille. Elle occupe aujourd'hui un poste de chef de projet digital
dans une agence web et s'épanouit dans un autre poste d'animatrice
radio, après avoir animé plusieurs soirées de mode. L'utopie de
l'échec, elle l'a vécue et domptée, et elle veut désormais inspirer
d'autres jeunes filles à saisir cette citation de John Berger : «
la pire erreur n'est pas dans l'échec mais, dans l'incapacité de
dominer l'échec ».
A toi Marie-pascale, je voudrais dire que tu seras toujours pour
moi une source d'inspiration. Je t'ai vue t'élever comme un aigle
alors que pour les personnes de ton entourage, tu n'étais qu'un
oiseau de basse-cour.
Photos : Divan numérique & Algeria2.0