Ce message, je l'avais prévu pour la jeunesse de Guinée à la
faveur de la semaine du numérique qui s'est tenue du 16 au 21 mai
2016. Je n'ai pas pu en fin de compte faire le déplacement pour
communier avec cette jeunesse , valeur de l'Afrique, qui est
aujourd'hui en train d'inventer ses propres usages du numérique. J'ai donc décidé de publier ce message sur mon blog.

Du manifeste GNU au Logiciel Libre ...
Entre 1983 et 1985, le Docteur Richard Stallman, consignait dans le
manifeste du GNU, son projet de développer un système
d'exploitation de type Unix, dont le code source serait ouvert.
Il a publiquement exposé ses motivations en ces termes : « Je
considère comme règle d’or mon devoir de partager un programme
que j’aime avec les autres gens qui l’aiment. Les éditeurs de
logiciels veulent diviser et conquérir les utilisateurs, interdisant
à chacun de partager avec les autres. Je refuse de rompre la
solidarité. Je ne peux pas, en mon âme et conscience, signer un
accord de non-divulgation ou une licence de logiciels. […] Pour
continuer à utiliser les ordinateurs en accord avec ma conscience,
j’ai décidé de rassembler un ensemble suffisant de logiciels
libres pour me débrouiller sans logiciels non libres. »
Aujourd'hui, le mouvement du logiciel libre à dépasser les
frontières de la ville de Richard Stallman, avec des
communautés de contributeurs dont le savoir et les savoir-faire
continuent d'adresser des problématiques spécifiques dans le monde.
Utiliser le logiciel pour tous les usages, étudier son
fonctionnement, le modifier tout en l'adaptant à nos usages et le
redistribuer à toute la communauté sont les fondements du logiciel
libre qui réinstalle l'utilisateur au cœur de l'informatique.
Nous entrons ainsi dans une nouvelle ère, celle de l'informatique
qui ne s'impose pas à l'utilisateur, ni aux collectivités encore
moins à la culture des peuples. Nous écrivons en lettres d'or
l'histoire de l'informatique et en général du numérique qui
répond de manière profonde à des besoins de développement et
d'innovation inclusifs. Nous parlons désormais de l'informatique
qui s'adapte et s'adopte.

(Re)Humanisons notre informatique pour la Guinée et pour
l'Afrique
Il donc temps que nous (re)humanisons l'informatique et
(re)solidarisons les peuples par le numérique, afin de répondre
aux questions des africains par les africains et cela en Afrique avec
des compétences africaines.
Tout le monde se pose une question fondamentale. Le logiciel libre
constitue t-il un levier d’émergence pour le numérique en
Afrique ?
La culture du logiciel libre va aujourd’hui au-délà même de
l'informatique. Nous parlons beaucoup plus du Libre plutôt que de
logiciel libre. Cela nous permet de sortir le Logiciel Libre des
laboratoires, des hackerspace et autres makerspace, pour
montrer au citoyen ordinaire que le Logiciel Libre et la culture du
Libre donnent une certaine prédisposition pour le développement des
différents territoires africains, donc de la Guinée.
En Afrique, nous continuons d’investir beaucoup d’argent dans
l’éducation car nous y tenons. Comme le disait Nelson Mandela :
« L’Éducation est l’arme la plus fatale pour changer le
monde ». Il est donc pertinent d’éduquer et de former la
jeunesse africaine de façon stratégique afin qu’elle soit
détentrice d’un savoir libre, afin qu’à partir de ce savoir
elle puisse prévoir pour mieux agir par elle même.
Pour former de très bons développeurs d’applications en Afrique,
les étudiants africains doivent avoir la possibilité d’accéder
aux codes sources des logiciels existants afin d’étudier leur
fonctionnement. La relecture des codes rédigés par de très bons
développeurs permettra à la jeunesse africaine de monter en
compétences et d’acquérir des savoir-faire.
Le Logiciel Libre aux mains de la jeunesse guinéenne fortifiera
notre continent l'Afrique qui souffre de sa double fracture
numérique. La conjugaison de la culture du Libre et de la jeunesse
guinéenne produira dans nos universités, des technocrates « made
in Guinée » rompus à la résolution des difficultés de
l’Afrique avec le regard africain dans un cocktail de compétences,
d’indépendance, d’ouverture, de démystification, de partage,
d’accessibilité et de collaboration.
On ne doit pas interdire aux élèves et étudiants de nos
universités africaines de partager les codes sources de logiciels,
de faire des copies des logiciels, de les partager et de s’entraider.
C’est malheureusement ce que nous observons dans bien de contrats
des logiciels utilisés sur nos campus. Les jeunes africains sont
formés dans la division, ils sont éduqués à travailler et
apprendre séparément dans l’individualité mais paradoxalement
après leurs diplômes, on les réinvite à travailler en
collaboration en entreprise. Si notre société doit survivre par
l'intelligence collective, nous devons alors l'enseigner et en faire
notre nouvelle monnaie.

Des jeunes africains ont fait l’expérience de partir de zéro
...
Le Logiciel Libre accessible et ouvert à tous sans aucune
restriction permet de prototyper rapidement des idées d’entreprise
en se basant sur des briques de codes sources ouverts et modifiables.
Donnons la possibilité à chaque jeune africain de créer son
travail !
Les logiciels libres inondent aujourd'hui notre quotidien : la
cartographie numérique libre, les services à valeur ajoutée dans
la téléphonie mobile, les applications SMS et mobiles, les plate-formes de
collaboration, les systèmes d'intelligence collective,
l'électronique ouverte, la domotique low-tech, la télé-irrigation
via sms, la gestion des territoires via des plate-formes de démocratie participative en ligne, la télémedecine, … rien n'est en marge. Notre vision
du développement doit changer maintenant et de manière urgente.
Nous devons nous tourner vers une dynamique d'inclusion numérique.
Les jeunes en Afrique ont déjà crée des applications from scratch
avec l'appui des logiciels libres et cela doit nous inspirer et
inspirer d'autres jeunes en Guinée à passer à l'action.
La culture du logiciel libre a développé des types de formations
appelées des formations horizontales : apprendre ensemble par
l'expérimentation. Pendant ces séances d'apprentissage entre pairs, les
participants apprennent à monter en compétences individuellement
mais ensemble. Chacune de ces formations, présente un autre aspect
de l’apprentissage où l’apprenant au lieu de seulement recevoir
du savoir, il partage son expérience, offre son dévouement,
présente et met ses compétences au service des autres. C'est cela
l'approche que nous devons favoriser et démocratiser en Guinée.
Une autre approche pour l’émergence du numérique est l'ouverture
des données que rend possible la culture du logiciel libre :
l'Open Data. Les
données publiques doivent simplement et librement être accessibles
et réutilisables, car la
mise à disposition des données publiques est une obligation légale
mais aussi et surtout une
mine d'or et de possibilités inestimables.
Nos capitales africaines, dont Conakry, évoluent dans un
environnement complexe alimenté par un besoin constant d'adaptation
par une meilleure appropriation des technologies et essayer de
nouvelles orientations loin des faiblesses du modèle industriel, la
surconsommation de ressources et la génération de déchets et
d'outils déconnectés des besoins des utilisateurs, est aussi un
axe de développement de l'Afrique.