La sobriété technologique par les logiciels libres

Notre monde mène en ce moment une course effrénée vers des technologies dites émergentes. Et cela est littéralement le quotidien de toutes les grosses firmes technologiques, à la conquête des territoires, des entreprises, des foyers et des individus et des vies, afin de leur faire absorber leurs technologies, qu’elles conçoivent au gré de ce que l’intelligence humaine est capable de réaliser. Certains appellent cela la modernité technologique. Cette course folle a t-elle réellement une véritable raison d’embaumer notre quotidien ? Quel retard voulons-nous rattraper? N’allons-nous pas vers une dynamique de la volonté de posséder des technologies plutôt que vers le bonheur rendu possible par ces technologies émergentes ?

 

J’ai donc décidé de vous parler de ce que j’appelle la « sobriété technologique ». Cette sobriété qui selon moi devrait passer par les logiciels libres en changeant de paradigme. La sobriété est un comportement de celui qui est sobre, la qualité de quelqu’un qui se comporte avec retenue, une réelle posture de ce qui se caractérise par une absence d’ornements superflus. Le mot est lâché : la retenue.

 

Avons-nous de la retenue technologique ?

Avons-nous de la retenue, lorsque toutes les grandes firmes ne font que produire des technologies qu’elles imposent aux entreprises ? Avons-nous de la retenue, pour que l’évolution technologique des entreprises ne soit suspendue à l’évolution d’un logiciel privateur détenu par l’une de ces firmes ? Avons-nous de la retenue, lorsque pour avoir une nouvelle fonctionnalité dans un logiciel privateur, il faut attendre le temps que cette fonctionnalité soit éligible au chantier des évolutions futures portées par l’entreprise éditrice ? Avons-nous de la retenue, lorsque toutes les entreprises font une ruée vers une nouvelle technologie qui vient de voir le jour et la seule entité responsable des articulations fonctionnelles n’est que l’entreprise éditrice ? Avons-nous de la retenue, lorsque la sortie d’un nouveau logiciel, exige le remplacement des équipements devant l’accueillir alors que ces équipements sont encore en état de fonctionnement ?

 

Avez-vous déjà entendu parler de l’obsolescence programmée, cette grosse arnaque qui continue son avancée dévastatrice dans nos entreprises, dans l’environnement socio-économique et dans nos vies ? Avons-nous de la retenue, lorsque toutes ces firmes nous imposent cette dépendance à l’obsolescence programmée et à l’achat des nouvelles versions des logiciels ? Une alternative existe et c’est le Logiciel Libre et la technologie libre, qui nous permettent de maîtriser notre évolution technologique en fonction des besoins de nos métiers et des besoins de nos utilisateurs et clients qui deviennent de plus en sophistiqués. Le logiciel libre donne accès aux codes sources de toute technologie et cela nous garantit la pérennité et notre indépendance vis à vis des éditeurs. Nous pouvons ainsi rendre tangible le besoin d’évolution des fonctionnalités, sans être otages des grosses firmes éditrices de logiciels privateurs acquis à des centaines de millions.

 

Nous sommes à l’heure de la transition et de la transmission, et nous devons nous poser la question qui mérite d’être posée : qu’est ce que nous transmettons et pour quel avenir ? Lorsque nous investissons dans une technologie hors de prix et que nous devons demander la modification d’une fonctionnalité à l’éditeur, parce que malheureusement, nous n’avons pas accès aux codes sources du programme, nous devons d’abord débourser un budget énorme et subir après le temps d’implémentation que nous impose l’éditeur. Qui contrôle notre évolution technologique ? Est-ce nous ou les grosses firmes qui après nous avoir vendu leur rêve, nous imposent leur futur ? Toutes ces firmes qui nous placent des menottes numérique et économique, nous imposent leur vision de notre évolution technologique ! Contrôlons-nous vraiment notre évolution technologique ?

 

 

Vers une élévation de la conscience technologique

 

Nous sommes tous devenus des « consommateurs de technologies », prêts à sauter sur tous les nouveaux gadgets électroniques et les nouvelles versions de logiciels ou d’équipements électroniques, dans une dynamique de possession. Nous achetons tout pour tout, tant que la technologie se renouvelle au reflet de l’obsolescence programmée. Nous avons perdu toute notion de la technologie qui s’adapte et qui s’adopte. Nos entreprises ne sont plus en vie mais en survie technologique, sous le poids de toutes ces technologies émergentes, que nous ne maîtrisons pas réellement et qui restent la chasse gardée conceptuelle de quelques entreprises. Nous devons remettre les pendules à l’heure et passer d’une culture du « Pouvoir d’Achat » à une dynamique du « Savoir d’Achat ».

Le logiciel libre avec ses quatre libertés (exécuter le logiciel,  étudier et modifier le code source du logiciel, faire une copie exacte du logiciel et redistribuer les versions modifiées du logiciel) nous permet de maîtriser notre technologie et de la faire évoluer à notre rythme, selon nos besoins, nos aspirations et à budget maîtrisé. L’humain est désormais au cœur de la technologie et les salariés au cœur de ces technologies dans nos entreprises n’apparaîtront plus dans nos lignes comptables comme une charge mais plutôt comme un investissement. Parce que ces grosses firmes ont réussi à nous faire croire que l’acquisition de toutes ces technologies hors de prix est un investissement et les salariés une charge.

Nous assistons à un futur injuste des technologies et cela est pratiqué par les plus grandes compagnies éditrices de technologies, dont la seule ambition est de continuer à contrôler nos entreprises et donner la directive que le monde technologique doit adopter, selon leur vision et leurs aspirations. La logique du logiciel libre est une logique de vie, une logique d’usages imprimée par des réels besoins, et de retenue qui passent par l’éthique : « l’esthétique du cœur ». C’est une logique de « sobriété technologique ». La technologie que nous ne maîtrisons pas, car les codes sources détenus par la seule firme éditrice et dont les évolutions restent sous son contrôle, est un instrument injuste de pouvoir sur les entreprises et les utilisateurs. Les utilisateurs dans ce cas, ne sont plus libres et n’ont pas la main mise sur leur évolution technologique.

 

Invitation à l’équilibre technologique

 

Cette course folle vers les technologies émergentes, fait perdre toute la beauté de la technologie qui doit être au service des utilisateurs et non l’inverse. Nous fabriquons des technologies extraordinaires qui malheureusement prennent le dessus sur l'humain et restent aux mains des grosses firmes, dont les ambitions ne sont pas les nôtres et sont aussi loin de l’apaisement que l’humain recherche dans la technologie éthique. Nous déléguons toutes les fonctionnalités de notre vie à ces technologies privatrices construites dans une pensée unitaire pour un objectif égoïste et une ambition singulière.

Nous devons entrer dans une coopération avec notre vie numérique au travers de technologies portées par des communautés et ouvertes aux utilisateurs, qui doivent les déconstruire et les adapter à leurs besoins de souveraineté numérique. La « sobriété technologique » à laquelle je nous invite par les logiciels libres, n’est pas une invitation à la précarité technologique mais une invitation à l’équilibre technologique qui permet au bonheur technologique d’exister en même temps que nos nécessités numériques.


Florent YOUZAN


 

Florent Youzan

Auteur·rice : Florent Youzan

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