Utopie de l’échec : elle cherchait son chemin …
Publié le mardi 20 décembre 2016, 20:58 - modifié le 07/11/17 - Actualités - Lien permanent
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L'échec est notre compagnon de tous les jours. Il matérialise notre existence, symbolise notre humanité, reformule nos ambitions et conditionne notre lendemain. C'est la résultante d'une action n'ayant pas abouti au résultat escompté.
Toute la société le rejette, le craint comme une peste, le déteste, et va jusqu'à l'exclure de ses projets, alors qu'il est une partie de nous, une définition de notre vécu existentiel et une claire expression de la vie qui nous gouverne.
L'échec est tellement rejeté qu'il n'est pratiquement pas enseigné à nos enfants qui, le découvrent malheureusement à leurs dépens, au coin de la rue, pendant le parcours de leur vie. Cet échec là, méconnu mais inévitable se parque à jamais dans leur mémoire et alimente désormais de manière insidieuse une vie en couleur désespoir. A la rencontre de l'échec tout le château de cartes s'écroule laissant derrière lui un goût d'amertume ? Qui sommes-nous sans échec ? Quel est le visage réel de l'échec ?
J'ai décidé de vous raconter une histoire sur un fond sonore d'échec mais, comme une mélodie créative qui fait fleurir les talents !
C'est l'histoire de Marie-Pascale, une histoire plate comme on en rencontre des dizaines chaque petit matin dans les rues des capitales africaines. Mais l'histoire que je vais vivre avec vous à travers ces lignes, se raconte avec du relief. Une histoire qui nous permet de changer de regard sur l'échec. C'est aussi l'histoire de bien de jeunes africains qui, violentés par l'échec méconnu et incompris, et intimidés par la perception des autres, sombrent pour certains dans l'absence meurtrie ou rebondissent fièrement pour d'autres comme cela fut le cas de Marie-Pascale.
Nous l'avons connue jeune, timide et devancée par son calme. Elle pousse un samedi matin les portes d'un lieu pas comme les autres que lui avait conseillé une amie. A la recherche d'un stage, elle tutoie pour la première fois comme de nombreux jeunes qui viennent à cet espace transversal, une séance de brainstorming. Détendue par la séance de discussion et d'inspiration, Marie-Pascale découvre des moments inoubliables d'échanges. Son sourire en disait long, mais c'est lorsqu'elle sera invitée à se présenter que l'histoire commence : « Je suis Marie-Pascale Bayé, je suis étudiante en gestion commerciale. Je suis venue ici sur recommandation d'une amie, car je cherche mon chemin », a t-elle soutenu.
Derrière ce silence et ce calme, une jeune fille menait une lutte acharnée contre des préjugés et des ondes négatives de son environnement. En fait, Marie-pascale a eu un parcours scolaire un peu compliqué, au cours duquel elle a connu des échecs. À la recherche de son chemin, elle intègre une école de gestion commerciale après le lycée. Sa formation en gestion commerciale ne sera pas aussi linéaire. Ses échecs ont donné du relief à son parcours et voilà que ce relief va permettre à cette jeune fille de rebondir et rebondir encore vers d'autres horizons. Elle commence alors un stage dans cet espace transversal qui n'est autre qu'Ovillage, un espace d'intelligence collective et d'innovation sociale. Elle commence à rencontrer des jeunes, des adultes, des entrepreneurs, des innovateurs, et surtout d'autres personnes aux parcours atypiques qui lui montrent l'autre champ des possibles. Là où fleurissent les arbres séchés à l'oeil nu pourtant tous verts d'intérieur. Elle s'intéresse à tout ce qu'elle touche dans l'espace : le blogging, l'emarketing, le community management et même les logiciels libres sur lesquels elle travaille désormais.
Marie-pascale se découvre à la faveur des Talk des passionnés de cet espace qu'elle écoute religieusement et qu'elle tutoie au quotidien et avec qui elle échange sur tous les sujets. Petit à petit, la jeune fille se découvre à elle-même ! Elle prend de l'assurance et redéfinit son avenir. Elle est promue en quelques mois de stage au poste d'assistante puis de chef de projet sur les logiciels libres à Ovillage avant de devenir l'Office manager !
Elle a désormais pris son envol. Chez nous en Afrique, on dit que les arbres de la forêt grandissent dans le silence ! Sans fanfare ni trompette, la jeune fille fait son chemin. Elle s'offre la chance de travailler sur des projets transversaux. Pour certains, elle n'a connu que l'échec, pour d'autres elle n'était pas faite pour une vie de réussite mais, une sagesse peut être enfantée par l'échec. Loin de l'ivresse de la réussite, Marie-Pascale comprend que l'absence dans son éducation de la connaissance des vertus de l'échec a failli lui coûter un temps de vie !
Marie-pascale comme bien de jeunes africains, ne connaissait pas la définition de l'échec. Elle l'a connu à ses dépens avec un froid déconcertant et c'est ce manque de définition de l'échec qui installe la jeunesse dans le culte de la culpabilité face à l'échec.
En portant un autre regard sur ses échecs, l'Office Manager d'Ovillage s'est vue grandir par l'échec. Elle a commencé à vivre son rêve et non le rêve de ses parents, de ses amis, de ses frères et sœurs encore moins d'autrui. N'accusez jamais votre enfant d'avoir échoué quand vous lui imposez de réaliser votre rêve à vous. C'est vous qui aurez échoué !
Marie-Pascale s'est offerte un temps d'arrêt matérialisé dans un tiers-lieu libre et Open Source ; un temps d'examen et de retour sur soi. Elle a tout simplement décidé de s'offrir la chance d'arrêter d'avancer : ce qui te manque, cherche-le dans ce que tu as !
Un an après sa rencontre avec Ovillage, elle est invitée à la 4ème édition d'Algeria 2.0 à Alger en qualité de speaker. Sa communication était intitulée « la route non prise ... », un récit émouvant de sa vie et sa rencontre avec Ovillage, un espace d'intelligence collective et d'innovation sociale. Elle se définit comme un pur produit d'un tiers-lieu éducatif. Marie-Pascale a compris que l'éducation doit subir une profonde mutation pour donner une possibilité à des jeunes comme elle qui auraient pu éclore si le dispositif éducatif actuel faisant plus attention à ces personnes au parcours atypique.
La jeune fille continue de chercher son chemin, la tête froide et le discours cohérent sur la thématique de l'éducation qui est désormais son cheval de bataille. Elle occupe aujourd'hui un poste de chef de projet digital dans une agence web et s'épanouit dans un autre poste d'animatrice radio, après avoir animé plusieurs soirées de mode. L'utopie de l'échec, elle l'a vécue et domptée, et elle veut désormais inspirer d'autres jeunes filles à saisir cette citation de John Berger : « la pire erreur n'est pas dans l'échec mais, dans l'incapacité de dominer l'échec ».
A toi Marie-pascale, je voudrais dire que tu seras toujours pour moi une source d'inspiration. Je t'ai vue t'élever comme un aigle alors que pour les personnes de ton entourage, tu n'étais qu'un oiseau de basse-cour.
Photos : Divan numérique & Algeria2.0